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gel. Là il s’était formé une conception religieuse qui devait diriger toute son activité. Voici quelle était cette conception : tout ce qui existe dans l’univers est vivant, il n’y a rien de mort ; tous les objets que nous considérons comme morts, inorganiques, sont simplement des parties d’un immense corps organique qu’il nous est impossible d’embrasser ; en conséquence, la mission de l’homme, particule de ce grand organisme, consiste à maintenir la vie de cet organisme et de toutes ses parties vivantes. Et il considérait comme crime l’anéantissement de tout être vivant : il était contre la guerre, contre la peine de mort, contre tout meurtre, non seulement des hommes, mais des animaux. Il avait également une théorie du mariage : la reproduction de l’espèce était une fonction inférieure ; il trouvait plus noble de venir en aide aux êtres déjà existants. Il trouvait la confirmation de cette idée dans l’existence des phagocytes dans le sang. Pour lui, les célibataires étaient ces mêmes phagocytes, qui ont pour mission de venir en aide aux parties organiques faibles ou malades. Et depuis qu’il avait conçu cette théorie, il y conformait sa vie, bien qu’auparavant il eût vécu dans la débauche. Lui et Marie Pavlovna étaient, à son sens, de pareils phagocytes sociaux.

Son amour pour Katucha n’allait point à l’encontre de sa théorie, car il l’aimait platoniquement et il estimait qu’un tel amour, loin d’enrayer son