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arrêtée dans son logement où se trouvait une imprimerie clandestine ; et on l’avait condamnée aux travaux forcés. Marie Pavlovna ne parlait jamais des motifs de sa condamnation mais, par les autres, Katucha avait appris qu’elle avait été condamnée au bagne pour s’être accusée, à la place d’un révolutionnaire, d’avoir tiré un coup de feu, dans l’obscurité, lors d’une perquisition dans l’imprimeris clandestine.

Depuis que Katucha la connaissait davantage, elle voyait que dans quelque situation qu’elle se trouvât, elle ne pensait jamais à elle et n’avait qu’un souci : venir en aide à quelqu’un et servir autrui dans les grandes ou les petites choses. L’un de ses compagnons actuels, Novodvorov, disait en plaisantant qu’elle s’adonnait au sport de la bienfaisance. Et c’était vrai. De même que le chasseur ne pense qu’à lever du gibier, de même elle ne cherchait que l’occasion d’aider autrui. Ce sport était devenu une habitude et le but de son existence. Et elle s’y adonnait si naturellement que tous ceux qui la connaissaient n’appréciaient plus ses services, mais les exigeaient.

Quand Maslova avait été transférée dans la section des criminels politiques, elle avait d’abord inspiré à Marie Pavlovna de la répulsion et du dégoût. Katucha s’en était aperçue, mais elle avait remarqué aussi l’effort qu’elle faisait pour la traiter avec une bienveillance et une bonté toutes parti-