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Avant qu’il ait pu achever les deux poings de l’officier s’abattaient sur son visage.

— Une révolte alors ? Je vais vous apprendre à vous révolter !… Je vous ferai fusiller comme des chiens ! Et les autorités m’en remercieront ! Prends la fillette !

La foule se calma. Un soldat saisit l’enfant qui criait désespérément, et un autre passa les menottes au prisonnier qui, maintenant, tendait docilement ses mains.

— Porte-la aux femmes ! cria l’officier au soldat, en remettant en place son ceinturon.

La fillette, essayant de dégager ses mains enserrées dans son châle, le visage congestionné, ne cessait de pousser des cris déchirants.

Marie Pavlovna se détacha de la foule et s’approcha du soldat.

— Monsieur l’officier, permettez, je la porterai…

Le soldat qui tenait l’enfant s’arrêta.

— Qui es-tu ? demanda l’officier.

— Une condamnée politique.

Le joli visage de Marie Pavlovna, avec ses beaux yeux ronds, qu’il avait déjà aperçu quand il avait pris la direction du convoi, impressionna visiblement l’officier. Il regarda la jeune fille en silence, semblant peser le pour et le contre.

— Ça m’est égal ! Prenez-la si vous voulez ! Cela vous est facile de les plaindre ; mais s’ils se sauvent, qui sera responsable ?