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que j’y fasse maintenant ? dit l’ouvrier de fabrique, qui s’étendit pour dormir, la tête sur les genoux de sa femme souriante.

Nekhludov resta encore un moment près du vieillard qui lui racontait qu’il était poêlier, qu’il travaillait depuis cinquante-trois ans, et avait construit tant de poêles qu’il n’en connaissait pas le nombre. Il eût voulu maintenant prendre un peu de repos, disait-il, mais il n’en trouvait jamais le temps. Il était en ville, avait laissé ses enfants à l’ouvrage, et lui s’en allait à la campagne, pour revoir les siens.

Après avoir écouté le récit du vieillard, Nekhludov se rendit à la place que Tarass lui avait gardée.

— Eh bien, monsieur, asseyez-vous. Tenez, nous allons mettre ce sac par ici, dit le jardinier assis en face de Tarass, en regardant le visage de Nekhludov.

— À l’étroit, mais en amis, ajouta de sa voix chantante Tarass souriant ; et, soulevant comme une plume son énorme sac, de deux pouds, il le posa près de la fenêtre. La place ne manque pas ; et si même elle manquait, on peut rester debout, ou se coucher sous la banquette. Là c’est bien tranquille ; pas la peine de discuter ; dit-il, tout rayonnant de bonheur et d’affabilité.

Tarass répétait volontiers qu’à jeun il ne savait pas parler, mais que quand il avait bu du vin, il