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plus en plus fréquemment, le roulement du tonnerre. Les nuages, sans arrêt, s’avançaient de plus en plus, et de larges gouttes de pluie, chassées par le vent, venaient tacher la plate-forme du wagon et le pardessus de Nekhludov. Il se plaça du côté opposé, et, aspirant la fraîcheur du vent et l’odeur bienfaisante de la terre avide d’eau, il considéra les jardins qui couraient devant lui, les bois, les champs de seigle jaunes, les champs d’avoine encore verts, et les taches noires des pommes de terre. Tout semblait s’être recouvert d’une couche de laque : le vert était devenu plus vert, le jaune plus jaune, le noir plus noir. « Encore, encore ! » disait Nekhludov, joyeux de voir les champs et les potagers revivifiés par la pluie bienfaisante.

La pluie, abondante, dura peu. Le nuage, après s’être déversé en partie, courut plus loin, et, sur le sol humide les dernières gouttes tombèrent, droites, peu fréquentes et petites. Le soleil reparut. Tout resplendit, et à l’ouest de l’horizon, se dessina un arc-en-ciel, bas, mais brillant, rompu seulement à l’une de ses extrémités, et dans lequel dominait le violet.

« À quoi pensais-je donc tout à l’heure ? » se demanda Nekhludov, après qu’eurent pris fin toutes ces métamorphoses de la nature et quand le train s’enfonça dans une tranchée profonde. « Ah ! oui, je songeais que tous ces hommes, le directeur, les convoyeurs, et tous ces fonction-