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vaise intention, dit la sœur de Nekhludov. Tu sais…

Des larmes lui montèrent aux yeux et elle toucha le bras de son frère, et il comprit. Ces paroles étaient vagues, mais il fut touché de leur signification. Elle voulait dire qu’indépendamment de son amour pour son mari, son amour pour son frère lui était également important et cher et que toute discorde entre eux serait pour elle une pénible souffrance.

— Merci. Je te remercie ! Ah ! si tu savais ce que j’ai vu aujourd’hui ! reprit-il au brusque souvenir du deuxième prisonnier mort. Deux prisonniers tués !

— Comment, tués ?

— Tout simplement tués. On les a emmenés par cette chaleur, et deux sont morts d’insolation.

— Pas possible ! Comment ? Aujourd’hui ? Tout à l’heure ?

— Oui, tout à l’heure. J’ai vu leurs cadavres.

— Mais pourquoi les a-t-on tués ? Qui les a tués ? demanda Nathalie Ivanovna.

— Qui ? Ceux qui les ont fait marcher de force ! répondit Nekhludov, énervé à l’idée que sa sœur voyait tout cela du même œil que son mari.

— Ah ! mon Dien ! fit Agraféna Petrovna qui s’était approchée d’eux.

— Oui, nous n’avons pas la moindre idée de ce