de chambre : l’un avait la bouche tordue et le cou bandé ; l’autre était poitrinaire. Les deux autres lits étaient libres. Sur l’un d’eux on déposa le prisonnier. Un petit homme aux yeux brillants, aux sourcils sans cesse agités, n’ayant que son linge de corps et des chaussettes, d’un pas rapide et léger s’approcha du prisonnier qu’on apportait, puis regarda Nekhludov et éclata de rire bruyamment. C’était un fou, consigné à l’infirmerie du poste.
— Ils veulent me faire peur, mais ils n’y arriveront pas ! dit-il.
Après les agents qui avaient apporté le mort, entrèrent un officier de police et un aide-chirurgien.
Celui-ci s’approcha du mort, toucha la main jaune couverte de taches de rousseur, encore molle, mais déjà froide, la souleva et l’abandonna. Elle retomba inerte sur le ventre du mort.
— Fini ! déclara le chirurgien avec un signe de tête. Mais, évidemment pour se conformer au règlement, il ouvrit la chemise mouillée du mort, et, dégageant son oreille de ses cheveux frisés, il l’appliqua sur la poitrine jaunâtre, bombée et immobile du prisonnier. Tous se taisaient. L’aide-chirurgien se redressa, fit un nouveau signe de tête, et abaissa l’une après l’autre les paupières sur les yeux bleus arrêtés grands ouverts.
— Vous ne me faites pas peur ! Non, vous ne me faites pas peur ! dit le fou en crachant dans la direction de l’aide-chirurgien.