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portes ou se penchaient aux fenêtres, et immobiles, silencieux, regardaient le terrible défilé. À un tournant de rue le convoi barra le passage à un luxueux landau. Sur le siège était assis un cocher à la face luisante et à la large croupe, avec deux rangs de boutons sur le dos. Le devant de la voiture était occupé par un monsieur et sa femme : elle, maigre, pâle, en chapeau clair, tenant une ombrelle également claire ; lui, en chapeau haut de forme, et élégant pardessus clair. En face d’eux étaient leurs enfants : une fillette à longues boucles blondes, bien pomponnée, fraîche comme une fleur, avec une ombrelle également voyante ; et un garçonnet de huit ans environ, au long cou maigre, aux clavicules saillantes, coiffé d’un chapeau matelot orné de longs rubans. Le père reprochait avec humeur au cocher de ne pas avoir fait en sorte de devancer le convoi qui les retardait maintenant, et la mère, avec une grimace de répulsion, se cachait le visage derrière son ombrelle de soie pour se garantir du soleil et de la poussière. Le cocher à l’énorme croupe fronçait les sourcils aux injustes reproches de son maître, qui lui-même avait ordonné de passer par cette rue, et il retenait avec effort les deux trotteurs noirs, reluisants et couverts d’écume, qui avec peine restaient en place.

L’agent de police eût volontiers arrêté le convoi pour être agréable au propriétaire du luxueux