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voiture et s’approcha des femmes afin de parler à Maslova de ses effets et de lui demander comment elle se trouvait ; mais un sous-officier qui marchait de ce côté du convoi remarqua aussitôt Nekhludov et accourut vers lui.

— On ne peut pas s’approcher du convoi, monsieur ! C’est défendu ! cria-t-il en s’approchant.

Puis, remettant Nekhludov (que toute la prison connaissait), il porta les doigts à sa casquette, et s’arrêtant près de Nekhludov, lui dit :

— Impossible à présent. À la gare vous pourrez, mais ici c’est défendu. Allons, marche ! cria-t-il aux prisonniers, en se donnant du courage à soi-même, malgré la chaleur ; et, dans ses élégantes bottes neuves, il regagna lestement sa place.

Nekhludov gagna le trottoir et, se faisant suivre par son cocher, se mit à marcher avec le convoi. Au passage du convoi partout se manifestait une attention mélangée de pitié et d’horreur. Les têtes se penchaient curieusement hors des voitures, et tant qu’on pouvait voir les prisonniers, on les suivait du regard. Les passants s’arrêtaient, écarquillant les yeux pour regarder l’effrayant spectacle. Quelques-uns s’approchaient et donnaient une aumône. Les soldats du convoi la prenaient. D’autres, comme hypnotisés, marchaient derrière le convoi, puis s’arrêtaient, hochaient la tête, et ne le suivaient plus que du regard. Des gens, s’appelant l’un l’autre, accouraient sur les