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frère pouvaient comprendre, pour entamer une conversation générale se mit à parler de la nouvelle, arrivée de Pétersbourg : le malheur de madame Kamensky, qui avait perdu son fils unique, tué en duel. Ignace Nikiforovitch désapprouva les mœurs qui empêchent de ranger le meurtre en duel dans la catégorie des crimes de droit commun.

Cette observation provoqua une riposte de Nekhludov, qui engendra une nouvelle discussion, toujours sur le même sujet, où les adversaires ne purent exprimer toute leur pensée et demeurèrent chacun avec des convictions opposées. Ignace Nikiforovitch sentait que Nekhludov le désapprouvait et méprisait ses occupations, et il voulait lui prouver la fausseté de ses raisonnements. De son côté Nekhludov, sans parler du dépit qu’il éprouvait parce que son beau-frère se mêlait de ses arrangements concernant ses biens (au fond de son cœur il reconnaissait que son beau-frère, sa sœur et leurs enfants, en tant que ses héritiers, en avaient le droit) était agacé surtout de l’assurance et de la suffisance avec lesquelles cet homme borné admettait comme justes et raisonnables des principes que lui tenait à présent pour absurdes et criminels. C’était surtout cette suffisance qui agaçait Nekhludov.

— Alors que devait faire le tribunal ? demanda-t-il.