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s’il y a eu véritablement erreur, on aurait dû présenter un recours en grâce.

— C’est ce que nous avons fait, mais sans chances de succès. On fera une enquête au ministère, le ministère s’adressera au Sénat, le Sénat s’en tiendra à sa décision, et, comme d’habitude, l’innocent sera puni.

— D’abord le ministère ne s’adressera pas au Sénat, remarqua Ignace Nikiforovitik, avec un sourire indulgent. Il demandera le dossier du tribunal, et s’il trouve qu’il y a erreur, il prendra des conclusions en conséquence ; deuxièmement, les innocents ne sont jamais, ou du moins rarement, punis. Les coupables seuls sont punis, dit Ignace, posément et avec un sourire suffisant.

— Eh bien ! moi, je me suis convaincu du contraire, affirma Nekhludov en regardant son beau-frère avec une hostilité croissante. J’ai acquis la certitude que près de la moitié des gens condamnés par les tribunaux sont innocents.

— Comment cela ?

— Ils sont innocents, dans toute l’acception du terme, comme cette femme est innocente d’empoisonnement, comme l’est ce paysan, condamné pour un assassinat qu’il n’a pas commis, comme le sont un fils et sa mère accusés d’un incendie, dont le plaignant est l’auteur, et pour lequel ils ont failli être condamnés.