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mots, elle avait senti qu’il ne la croirait pas et que ses explications ne feraient que confirmer son opinion ; les larmes lui avaient resserré la gorge et elle s’était tue. Maslova continuait à s’imaginer qu’elle ne lui pardonnerait pas et le haïssait, comme elle le lui avait dit à leur seconde entrevue. Mais depuis longtemps elle l’aimait de nouveau, et si fortement qu’elle faisait, malgré soi, tout ce qu’il désirait : elle avait cessé de boire, de fumer, elle avait rejeté toute coquetterie et était entrée comme servante à l’infirmerie. Tout cela elle le faisait uniquement parce qu’elle savait qu’il le désirait. Et si, chaque fois qu’il lui en parlait, elle repoussait résolument son sacrifice de l’épouser, cela provenait de son désir de lui répéter ces fières paroles qu’elle lui avait dites une fois, et surtout parce qu’elle savait que le mariage avec elle ferait le malheur de Nekhludov. Mais si elle était fermement résolue à ne pas accepter son sacrifice, cependant il lui était pénible de penser qu’il la méprisait, qu’il la croyait incapable d’être autre chose que ce qu’elle avait été et qu’il ne voyait point le changement qui s’était opéré en elle. La pensée qu’il la croyait capable d’avoir commis quelque vilenie à l’infirmerie la tourmentait infiniment plus que de savoir qu’elle était irrévocablement condamnée aux travaux forcés.