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— Tenez, voici la requête à signer, dit-il en posant sur la table une grande enveloppe qu’il venait de tirer de sa poche.

Du bout de son fichu elle essuya ses larmes, puis s’assit devant la table et demanda ce qu’elle devait écrire et où l’écrire.

Il lui indiqua l’endroit. Elle s’assit devant la table, retenant de sa main gauche sa manche droite. Lui, debout devant elle, regardait son dos penché, que secouaient par instants des sanglots contenus. Et dans son âme luttaient les bons et les mauvais sentiments : son orgueil offensé, et sa pitié pour elle, pour sa souffrance. Ce dernier sentiment l’emporta.

Quel sentiment dans son âme précéda l’autre ? Son cœur fut-il d’abord pris de pitié pour elle ; ou se souvint-il de ses propres péchés, de cette même turpitude qu’il lui reprochait ? Il n’eût su le dire, car soudain, et en même temps, il se sentit coupable et se mit à la plaindre.

Quand elle eut fini d’écrire elle essuya à sa jupe ses doigts tachés d’encre, puis se leva et le regarda.

— De toutes façons, quoi qu’il arrive, ma résolution restera la même, lui dit Nekhludov.

La pensée qu’il lui pardonnait augmenta en lui sa tendresse pour elle, et il éprouva le besoin de la consoler.

— Je ferai ce que j’ai dit. Je vous suivrai en quelque lieu qu’on vous envoie.