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l’orchestre, assis ou debout, les têtes chauves, grises, grisonnantes, bouclées, pommadées, tous avaient leurs regards fixés sur une actrice osseuse, maigre, vêtue de soie et de dentelles, qui, dans des attitudes apprêtées et d’une voix affectée, déclamait un monologue. Un chut ! se fit entendre lorsque la porte s’ouvrit et que deux courants d’air, l’un frais, l’autre chaud, frappèrent Nekhludov au visage.

Dans la baignoire se trouvaient Mariette et une dame en mantille rouge, avec un énorme chignon, inconnue de Nekhludov, et deux messieurs : le général, l’époux de Mariette, un bel homme grand, au visage sévère, impénétrable, au nez aquilin, et à la poitrine bombée, rembourrée d’ouate, à la militaire ; et un monsieur blond, chauve, le menton à fossette rasé entre d’imposants favoris. Mariette gracieuse, fine, élégante, dont le décolleté laissait voir ses épaules fermes et pleines, et un grain de beauté à la hase du cou, se tourna aussitôt ; de son éventail, elle lui désigna un siège vide derrière elle, et lui adressa un sourire accueillant, reconnaissant, et significatif. Son mari, calme comme toujours, regarda Nekhludov, et le salua d’un signe de tête. Dans le regard qu’il échangea avec sa femme, on reconnaissait qu’il était le maître, le propriétaire, d’une jolie femme.

À la fin du monologue, un tonnerre d’applaudissements emplit la salle.