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la porte du cabinet, l’ouvrit et laissa passer Nekhludov.

En entrant dans le cabinet, Nekhludov se trouva en présence d’un homme de taille moyenne, trapu, les cheveux coupés ras, vêtu d’une redingote et assis dans un fauteuil devant un énorme bureau, d’où il regardait devant lui l’air satisfait. Son visage, très rouge et contrastant avec sa moustache et sa barbe blanches, s’éclaira d’un bienveillant sourire à la vue de Nekhludov.

— Très heureux de vous voir ; votre mère et moi étions de vieux amis. Je vous ai vu tout enfant, et plus tard officier. Eh bien ! asseyez-vous et dites-moi en quoi je puis vous être utile. Oui, oui… disait-il, en hochant sa tête blanche, rasée, pendant que Nekhludov lui racontait l’histoire de Fédosia. Parlez, parlez, j’ai tout compris. Oui, c’est en effet très touchant… Avez-vous adressé un recours en grâce ?

— Je l’ai là tout prêt, répondit Nekhludov en tirant de sa poche la requête, mais je n’ai pas voulu la remettre avant de vous avoir prié d’accorder à cette affaire votre bienveillante attention.

— Vous avez bien fait. Je ferai le rapport moi-même. C’est vraiment très touchant, dit le baron s’efforçant de donner à son visage épanoui une expression de pitié qui ne lui allait pas. Évidemment c’était une enfant, la brutalité de son mari l’aura affolée, repoussée ; mais ensuite le moment