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tout vêtus de blanc. Six convives étaient assis à la table : le comte, la comtesse, leur fils, jeune officier de la garde, à l’air maussade, qui mettait ses coudes sur la table ; Nekhludov, une lectrice française, et l’intendant principal du comte, arrivé de la campagne.

Là encore on causait du duel. On commentait l’attitude de l’Empereur en cette affaire ; et, sachant que l’Empereur s’apitoyait sur le sort de la mère, tous s’apitoyaient également sur son sort. Mais, comme on savait aussi que si l’Empereur plaignait la mère, il ne voulait pas se montrer sévère pour le meurtrier, qui avait défendu l’honneur de l’uniforme, tout le monde se montrait indulgent pour le meurtrier qui avait défendu l’honneur de l’uniforme. Seule la comtesse Catherine Ivanovna, avec son esprit indépendant et léger, se montrait sévère à son égard.

— On s’enivre, on fait la noce et on tue de braves jeunes gens. Moi, je ne pardonnerai jamais cela ! dit-elle.

— Je ne te comprends pas, fit le comte.

— Je sais. Toi, tu ne comprends jamais ce que je dis, répondit la comtesse ; et, s’adressant à Nekhludov : — Tout le monde me comprend, excepté mon mari. Je dis que je plains la mère ; quant au meurtrier, je n’admets pas qu’il ait tué et qu’il soit satisfait de son acte.

Le fils de la comtesse, qui s’était tu jusqu’alors,