dehors de ces dogmes fondamentaux tout lui semblait nul et dénué d’intérêt. Peu lui importait, d’ailleurs, que les choses allassent d’une façon ou de l’autre. C’était en se conformant à ces principes que le comte Ivan Mikhaïlovitch avait vécu et agi à Pétersbourg durant quarante ans, après lesquels il était arrivé à être nommé ministre.
Les qualités principales qui avaient permis au comte Ivan Mikhaïlovitch d’arriver à ce poste étaient celles-ci : premièrement, il savait comprendre le sens des papiers et des lois, et rédiger, dans un style peu élégant, il est vrai, des documents intelligibles et exempts de fautes d’orthographe ; deuxièmement, il était très représentatif et pouvait donner, suivant les circonstances, l’impression de la dignité, de la hauteur, de l’inaccessibilité, ou celle de la souplesse allant jusqu’à la lâcheté ; troisièmement, il était affranchi de toutes règles de moralité individuelle ou sociale et, par suite, il pouvait, quand il le fallait, être d’accord ou en désaccord avec tout le monde. En agissant ainsi il n’avait qu’un seul souci : éviter pour soi-même la contradiction évidente, mais il était complètement indifférent à la moralité ou à l’immoralité de ses actes, ainsi qu’à la question de savoir si ces actes feraient du bien ou du mal à la Russie ou au monde entier.
Quand il devint ministre, non seulement tous ses subordonnés mais la plupart de ses connais-