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existant : n’administrant pas lui-même ses propriétés, vivant loin de ses terres, il eut laissé aller les choses, se contentant de toucher ses revenus. Maintenant, qu’il avait décidé de partir pour la Sibérie, où il aurait à entretenir des relations compliquées et difficiles avec le monde des prisons, ce qui nécessiterait de l’argent, il ne pouvait laisser ses affaires dans leur état actuel, et il était résolu à les arranger autrement, fût-ce au détriment de ses intérêts. C’est ainsi qu’il avait décidé de ne pas faire valoir lui-même ses terres, mais de les louer à bas prix aux paysans, en leur donnant ainsi la facilité de s’affranchir de la dépendance des propriétaires. Souvent, comparant la situation du propriétaire foncier avec celle du propriétaire de serfs, Nekhludov voyait dans cette location de la terre aux paysans, au lieu de sa culture par des laboureurs, quelque chose d’analogue à ce que faisaient jadis les possesseurs de serfs, en substituant la dîme à la corvée. Cela n’était pas une solution, mais un pas vers cette solution : le passage d’une forme plus cruelle à une plus douce. Et son intention était d’agir de cette façon.

Nekhludov arriva à Kouzminskoié vers midi. Simplifiant en tout sa vie, il n’avait pas même télégraphié, et, à la gare, il avait pris une petite voiture à deux chevaux. Le cocher, un jeune paysan en podiovka de nankin, une ceinture serrée au-