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allemand exerçant en Russie, et le greffier ne l’aimait pas et enviait sa place.

— Et l’affaire des Skoptzy ? — demanda le greffier.

— C’est impossible en l’absence de témoins, répliqua le substitut. — Je le déclarerai au tribunal.

— Qu’est-ce que cela fait ?…

— Impossible, répéta le substitut ; et il courut à son bureau, en agitant le bras.

Il ajournait l’affaire des Skoptzy, non à cause de l’absence de quelques témoins insignifiants et inutiles, mais parce que jugée dans un tribunal où la plupart des jurés étaient des intellectuels, elle pourrait se terminer par un acquittement. D’accord avec le président, il préférait que cette cause fût déférée aux assises d’une ville de district, où l’accusation aurait plus de chances devant un jury composé presque exclusivement de paysans.

Cependant l’animation augmentait dans le couloir. La foule était surtout massée devant la salle de la Chambre civile, où se jugeait l’affaire dont avait parlé, au milieu des jurés, le personnage représentatif, amateur des causes célèbres. Pendant une interruption d’audience, de cette salle était sortie cette même vieille dame que le génial avocat avait su déposséder de tout son bien au profit d’un homme d’affaires qui n’y avait pas le moindre