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étrangers : propagande, désorganisation, groupes, sections, sous-sections, choses connues de tout le monde, croyait-elle, mais que Nekhludov entendait nommer pour la première fois.

Elle parlait, se croyant certaine du vif plaisir et du puissant intérêt qu’il aurait à connaître tous les mystères du parti populiste. Mais Nekhludov, en considérant son cou maigre, ses cheveux rares et mal peignés se demandait pourquoi elle faisait toutes ces choses et pourquoi elle les lui racontait. Il la plaignait, mais tout autrement qu’il plaignait le paysan Menchov, enfermé, sans aucune faute de sa part, dans une prison empestée. Il la plaignait surtout de l’évidente confusion qui régnait dans sa tête. Évidemment, elle se croyait une héroïne, prête à sacrifier sa vie pour le succès de son œuvre, et cependant, à peine savait-elle expliquer en quoi consistait cette œuvre, ni quels seraient les résultats de son succès.

L’affaire dont Véra Efremovna voulait entretenir Nekhludov était celle-ci : une de ses camarades, Choustova, qui ne faisait même pas partie de leur sous-groupe, suivant son expression, cinq mois auparavant, avait été arrêtée avec elle et incarcérée dans la forteresse de Pierre-et-Paul, uniquement parce qu’on avait trouvé chez elle des livres et des papiers qu’on lui avait confiés. Véra Efremovna s’attribuait en partie la responsabilité de cet emprisonnement et suppliait Nekhludov d’employer