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— Je ne suis pas une autorité, je ne sais rien.

— Cela ne fait rien, parlez de nous à l’autorité, — dit une voix indignée. — Nous n’avons rien fait et voilà le deuxième mois que nous sommes ici.

— Comment ? Pourquoi ? demanda Nekhludov.

— Mais voilà, on nous a mis en prison. Nous sommes ici, le deuxième mois, et nous-mêmes ignorons pourquoi.

— C’est exact, — dit le sous-directeur, — mais la chose est purement accidentelle : tous ces gens ont été arrêtés pour défaut de passeports et devaient être expédiés dans leur gouvernement ; mais là-bas la prison a brûlé. Tous ceux des autres gouvernements ont été renvoyés, mais nous sommes bien obligés de garder ceux-ci.

— Quoi, ce n’est que pour cela ? — dit Nekhludov en s’arrêtant à la porte.

En groupe, une quarantaine d’hommes, en tenue de prison, entourèrent Nekhludov et le sous-directeur. Plusieurs élevèrent la voix en même temps. Le sous-directeur les arrêta :

— Qu’un seul parle !

Un paysan d’une cinquantaine d’années, de haute taille, marquant bien, sortit des rangs. Il expliqua à Nekhludov qu’on les avait mis en prison parce qu’ils n’avaient pas de passeports. Ou plutôt ils en avaient, mais ils étaient périmés depuis quinze jours. Tous les ans il leur arrivait d’avoir des passeports périmés, et jamais on n’avait rien dit,