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guine, en vue de l’enserrer de plus en plus dans d’invisibles liens. Et cependant, sauf cet état d’esprit qui fait hésiter, au seuil du mariage, les hommes d’un âge mûr, qui ne sont pas passionnément amoureux, Nekhludov avait encore une forte raison, qu’il ne voulait s’avouer à lui-même, qui l’empêchait de faire maintenant une proposition de mariage. Le motif n’était pas la séduction et l’abandon de Katucha, survenus dix ans auparavant, cela il l’avait complètement oublié, et ne pouvait y voir un obstacle à son mariage ; ce motif consistait dans des relations entretenues avec une femme mariée, relations rompues de sa part, mais que la femme ne considérait point comme telles.

Nekhludov était très timide avec les femmes ; et à cause de cette timidité même, celle-ci avait décidé qu’elle le plierait à son joug. Cette dame était mariée à un maréchal de la noblesse du district dans lequel Nekhludov participait aux élections. Elle l’entraîna peu à peu dans une liaison qui, chaque jour, devenait pour Nekhuldov plus enveloppante et, en même temps, plus répugnante. Au début, il n’avait pu résister à la séduction, mais, par la suite, il se reconnaissait coupable envers elle et ne pouvait briser les liens existants, contre sa volonté à elle. Voilà pourquoi Nekhludov ne croyait pas possible de faire sa déclaration à mademoiselle Kortchaguine, quand bien même il l’eût voulu.