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tête baissée, les coudes appuyés sur les genoux. Au bruit des pas, l’homme redressa la tête et se tourna machinalement vers la porte. Dans tout son visage, surtout dans ses grands yeux, il y avait une expression d’angoisse infinie. Évidemment il lui était indifférent de savoir qui le regardait. De n’importe qui il n’attendait rien de bon. Nekhludov se sentit gagné par la peur, il cessa de regarder et alla tout droit à la cellule 21, celle de Menchov. Le gardien fit jouer la serrure et ouvrit la porte. Un jeune homme musculeux, avec un long cou, une petite barbiche et de bons yeux ronds, était debout près de sa couchette, et d’un air effrayé, se hâtait d’endosser sa capote. Sans s’arrêter, ses bons yeux ronds, interrogateurs et inquiets, allaient de Nekhludov au sous-directeur et inversement.

— Voici un monsieur qui veut te questionner sur ton affaire.

— Je l’en remercie.

— Oui, on m’a parlé de votre affaire, — dit Nekhludov, s’avançant au fond de la cellule et se plaçant près de la fenêtre grillée et sale ; — et je voudrais entendre de vous-même le récit de ce qui a eu lieu.

Menchov, lui aussi, s’approcha de la fenêtre, et aussitôt commença son récit, d’abord timidement avec des regards inquiets vers le sous-directeur, puis de plus en plus hardiment. Et quand celui-ci