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gles, Nekhludov prit celles qui lui tombèrent sous la main (ce qui l’amusait quand c’était nouveau ne lui disait plus rien aujourd’hui), mit le vêtement qu’il trouva brossé et préparé sur une chaise, et, bien qu’incomplètement rafraîchi, mais propre et parfumé, il entra dans la longue salle à manger, dont le parquet avait été frotté, la veille, par trois domestiques. Cette salle à manger était meublée d’un énorme buffet de chêne, et d’une table à rallonges, également en chêne, dont les pieds, largement écartés, sculptés en forme de pattes de lion, donnaient à ce meuble un aspect imposant. Sur la table recouverte d’une nappe fine, bien empesée, décorée de grands chiffres, étaient posés : une cafetière d’argent, remplie d’un café odorant ; un sucrier d’argent, un pot à crème et une corbeille contenant des petits pains frais, des tartines grillées et des biscuits. Près du couvert, il y avait des lettres, des journaux et la dernière livraison de la Revue des Deux Mondes. Comme Nekhludov allait décacheter les lettres, la porte accédant au corridor s’ouvrit pour livrer passage à une grosse femme âgée, en deuil, et coiffée d’un fichu de dentelle qui cachait sa raie mal faite. C’était Agraféna Pétrovna, femme de chambre de la défunte princesse, la mère de Nekhludov morte peu de temps auparavant dans ce même appartement, et qui remplissait maintenant auprès du fils les fonctions d’intendante.