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Ils gravirent un escalier raide et arrivèrent dans une petite pièce éclairée d’une seule fenêtre, et meublée d’une table et de quelques chaises.

Le directeur s’assit :

— Quel dur métier, — dit-il, s’adressant à Nekhludov, et tirant de son étui une grosse cigarette.

— Vous semblez fatigué, — fit Nekhludov.

— Je suis fatigué de tout mon service ; c’est vraiment trop dur. On voudrait adoucir leur sort, et tout ce qu’on fait aboutit à un mal pire encore. Je n’aspire qu’à m’en aller d’ici ; dur, dur métier.

Nekhludov ignorait pourquoi le directeur trouvait sa tâche si pénible, mais aujourd’hui, il découvrait en lui une disposition particulière, qui inspirait la compassion.

— Oui, je crois que votre métier est dur, — lui dit-il. Mais pourquoi le faites-vous ?

— Le manque de fortune, la famille…

— Mais puisque cela vous est pénible…

— Cependant je puis vous affirmer que, dans la mesure de mes forces, je fais ce que je peux pour adoucir leur sort. Un autre, à ma place, les traiterait tout autrement. Croyez-vous que ce soit aisé de diriger près de deux mille individus de cette espèce ? Il faut savoir les prendre. Ce sont des êtres humains ; on les plaint… Mais si on les gâte… Puis il se mit à raconter une aventure récente :