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à l’heure gai et aimable, son visage devint, tout à coup, taciturne et malveillant.

— On prétend que les avocats gagnent de l’argent sans rien faire, — reprit-il en retrouvant de nouveau son sourire. — Figurez-vous que j’ai tiré un banqueroutier d’un procès presque perdu d’avance, et voilà qu’à présent tous ses pareils viennent me relancer. Et si vous saviez quelle peine cela me donne. Oui, nous aussi, comme dit un écrivain, nous laissons un morceau de notre chair dans l’encrier.

— Pour en revenir à votre affaire ou mieux à l’affaire qui vous intéresse, je vous disais donc, poursuivit-il, qu’elle a été conduite en dépit du bon sens ; il n’y a guère de motifs sérieux de cassation, mais enfin on peut toujours essayer ; et voici un projet de pourvoi que j’ai préparé pour vous.

Il prit un papier sur sa table et commença à le lire tout haut, en glissant rapidement sur les formules de procédure, pour appuyer au contraire sur certains passages : « Pourvoi d’une telle, etc., etc.… devant le département criminel de cassation au Sénat, etc. etc.… contre le verdict de la cour d’assises, etc.… qui a reconnu la femme Maslova coupable de meurtre par empoisonnement sur la personne du marchand Smielkov, et, en vertu de l’article 1454 du Code pénal, l’a condamnée, etc., etc., … aux travaux forcés, etc. ».

Il s’arrêta ; évidemment malgré sa longue habi-