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humaines, cette vie à laquelle sont actuellement condamnées des centaines de milliers de femmes, non pas seulement avec l’autorisation du pouvoir légal, soucieux du bien-être des citoyens, mais sous sa protection effective ; cette vie où neuf fois sur dix la décrépitude et la mort prématurée succèdent à d’horribles souffrances.

C’est, le matin, puis dans le jour, un sommeil pesant, après les orgies de la nuit. Vers trois ou quatre heures, un réveil exténué, dans un lit souillé ; des absorptions, par gorgées, d’eau de seltz et de café ; puis, en peignoir, en camisole, en robe de chambre, des flâneries à travers les chambres, en jetant de temps en temps des regards sur la rue, par la fenêtre aux rideaux tirés ; puis, molles, les femmes se querellent ; il faut se laver, se maquiller le visage, se parfumer le corps et les cheveux, essayer les robes, se chicaner pour cela avec la patronne ; s’étudier devant la glace ; se faire le visage et les sourcils ; absorber des mets gras et sirupeux ; ensuite endosser une robe de soie sous laquelle le corps est à demi-nu ; descendre dans un salon brillamment éclairé ; enfin la réception des clients : musique, danses, bonbons, vins, tabac ; et après cela, le commerce galant avec des hommes jeunes, mûrs, des adolescents et des vieillards tombant en ruine ; des célibataires, des hommes mariés, des marchands, des commis, des Arméniens, des Juifs, des Tatares,