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morceau de musique compliqué et entraînant. Une servante hargneuse, l’œil bandé, lui ayant ouvert la porte de l’appartement, les sons du piano, échappés d’une pièce voisine, retentirent à ses oreilles. C’était la plus rebattue des rapsodies de Liszt, fort bien jouée, mais seulement jusqu’à un certain passage. Arrivé là, on recommençait. Nekhludov demanda à la servante au bandeau si le directeur était chez lui.

La servante répondit que non.

— Reviendra-t-il bientôt ?

À ce moment la rapsodie s’arrêta de nouveau, et, aussi bruyante et retentissante, reprit jusqu’au passage fatidique.

— Je vais aller demander.

Et la servante s’éloigna.

La rapsodie s’élançait dans sa course, quand, sans aller cette fois jusqu’à l’endroit fatal, elle s’arrêta, et une voix se fit entendre :

— Dis-lui qu’il n’est pas là et qu’il n’y sera pas aujourd’hui. Il est en visite ; — fit une voix féminine derrière la porte ; et la rapsodie recommença, mais pour s’interrompre après quelques mesures, et il se fit un bruit de chaises. Sans nul doute, la pianiste irritée voulait elle-même faire observer au visiteur qu’il était importun.

— Mon père est sorti, — déclara d’un ton mal gracieux une jeune fille pâle, qui parut de la chambre, les cheveux en désordre, et les yeux