Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Que puis-je pour vous ? lui demanda-t-il d’un ton sévère.

— Je suis juré, je m’appelle Nekhludov, et j’ai absolument besoin de voir la condamnée Maslova, — répondit d’un trait Nekhludov, rougissant et sentant qu’il accomplissait là un acte qui aurait sur toute sa vie une influence décisive.

Le procureur était un homme de taille moyenne, très brun, aux cheveux courts, grisonnants, avec des yeux très vifs et une barbiche pointue sur un menton proéminent.

— Maslova ?… Oui, je connais. Accusée d’empoisonnement, — dit le procureur avec calme. — Pourquoi vous faut-il la voir ?

Puis, comme s’il désirait adoucir la première impression, il ajouta :

— Je ne puis vous autoriser sans être instruit du motif.

— J’ai besoin de la voir pour une affaire très importante pour moi, — dit Nekhludov en rougissant de nouveau.

— Bien ! — fit le procureur, qui leva les yeux et fixa attentivement Nekhludov. — Son procès est-il déjà venu ou non ?

— Elle a été jugée hier, et condamnée irrégulièrement à quatre ans de travaux forcés. Elle est innocente !

— Bien ! — reprit le procureur, sans paraître faire aucune attention à cette affirmation de Nekh-