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l’avaient quitté ; il s’était mis à boire et dépensait au cabaret tout ce qu’il pouvait se procurer.

La tante avait une petite blanchisserie, et avec cela, elle nourrissait ses enfants et son ivrogne de mari. Elle proposa à Maslova de travailler chez elle, comme blanchisseuse. Mais voyant l’existence pénible des ouvrières employées chez sa tante, Maslova ne se hâta pas de donner de réponse ; elle s’adressa à un bureau de placement pour trouver un emploi de servante. Elle trouva une place chez une dame, qui vivait avec ses deux fils encore au lycée. Elle était là depuis une semaine quand l’aîné, un élève de sixième année, à moustaches, abandonnant ses études, commença à la poursuivre de ses assiduités. La mère s’en prit à elle et la congédia. Aucune autre place ne se présenta, mais un jour Maslova rencontra au bureau de placement une dame dont les mains nues et potelées étaient surchargées de bagues et de bracelets. Mise au courant de la situation de Maslova, la dame lui donna son adresse et l’invita à la venir voir. Maslova s’y rendit. La dame l’accueillit de la façon la plus aimable, la régala de gâteaux et de vin sucré, puis envoya quelque part sa femme de chambre porter un billet. Le soir, un homme de haute taille, à la barbe et aux longs cheveux gris, entra dans la chambre ; ce vieillard vint s’asseoir près de Maslova, et clignotant des yeux, les lèvres souriantes, il se mit à l’examiner et à plaisanter