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— Va-t-en, te dis-je ! gronda sourdement Korableva.

Et comme la rousse avait fait encore un pas en avant, Korableva la frappa sur sa poitrine nue et grasse. Comme si elle n’avait attendu que cette provocation, la rousse enfonça brusquement les doigts d’une de ses mains dans les cheveux de Korableva, en essayant, de l’autre main, de la frapper au visage ; mais Korableva saisit cette main. Maslova et la Belle tentèrent de la retenir, mais elle avait si solidement agrippé les cheveux de la vieille qu’on ne pouvait lui faire lâcher prise. Pour un moment, elle lâcha les cheveux, mais seulement pour les mieux saisir. Korableva, la tête baissée, cognait au hasard sur le corps de son ennemie, et s’efforcait de lui mordre le bras. Autour d’elles, les femmes s’étaient amassées, gesticulant et hurlant. La poitrinaire elle-même s’était levée et, en toussotant, regardait la bataille. Les enfants, serrés l’un contre l’autre, pleuraient. Le vacarme était tel que la surveillante et le surveillant accoururent. On sépara les deux adversaires ; Korableva défit sa natte grise d’où tombèrent des poignées de cheveux arrachés par la rousse. Celle-ci ramenait sur sa poitrine jaune les lambeaux de sa chemise lacérée, et, ensemble, elles se mirent à crier, à hurler leurs griefs et leurs explications.

— Oui, je sais, dit la surveillante, l’eau-de-vie est cause de tout cela. Demain matin je le dirai au