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— Hein ! le chien rasé ! Avez-vous vu ce qu’il a fait ? clama la femme rousse secouée dans tout son gros corps flasque, le visage collé à la grille, et proférant des paroles ordurières et insensées.

— En voilà une peau de tambour ! Il y a bien de quoi rire ! — fit Korableva en montrant de la tête la femme rousse ; et, s’adressant à Maslova : — Pour combien d’années ?

— Pour quatre, — répondit Maslova avec une telle abondance de larmes que l’une d’elles tomba sur sa cigarette.

Maslova la froissa avec humeur, la jeta et en prit une autre.

La garde-barrière, bien qu’elle ne fumât pas, ramassa aussitôt le bout de cigarette, et se mit à le lisser.

— Ah ! on a bien raison de dire, ma belle, que le pourceau a mangé la vérité, — intervint-elle. — On fait ce qu’on veut. Et nous qui avions cru qu’on te mettrait en liberté. Matvievna disait que tu serais libre ; et moi j’ai répondu : Non, ma belle, mon cœur sent qu’ils vont la dévorer ; et c’est vrai ; — poursuivait la garde-barrière, écoutant avec un visible plaisir le son de sa propre voix.

Pendant ce temps, les prisonniers avaient achevé de traverser la cour. Les femmes qui avaient causé avec eux quittèrent la fenêtre pour s’approcher de Maslova. La première arrivée fut la cabaretière avec sa fillette.