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çon s’étaient approchés d’elle. Mais devant la bonne et compatissante exclamation de la vieille et surtout les regards curieux de l’enfant, allant des pains à elle, elle ne put se maîtriser. Tous ses traits frémirent, et elle éclata en sanglots.

— Je te l’avais toujours dit : choisis-toi un avocat malin, — dit Korableva. — Et alors, quoi, la déportation ? demanda-t-elle.

Les larmes empêchèrent Maslova de répondre ; elle retira du pain et tendit à Korableva la boîte de cigarettes, où était représentée une dame toute rose, avec un chignon très enlevé, et décolletée en cœur. Korableva regarda l’image, hocha la tête, semblant désapprouver Maslova, principalement d’avoir dépensé son argent aussi sottement, puis elle prit une cigarette, l’alluma à la lampe, et, en ayant aspiré une bouffée, elle la tendit à Maslova, qui tout en pleurant se mit à fumer avec avidité.

— Les travaux forcés, — gémit-elle enfin entre deux sanglots.

— Ils ne craignent donc pas Dieu, ces maudits vampires ! — s’écria Korableva. — On a condamné cette fille pour rien.

À ce moment, les quatre femmes, devant la fenêtre, poussèrent un gros rire. On entendit aussi le rire frais de la fillette mêlé aux rires aigus et enroués des femmes. Un des prisonniers, dans la cour, avait fait quelque chose qui agissait ainsi sur les femmes qui regardaient par la fenêtre.