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emmenaient le conscrit. Cette femme, la tante du conscrit, avait, la première, saisi par la bride le cheval attelé au chariot dans lequel on l’emmenait.

Une petite vieille bossue, voûtée, aux cheveux gris, était assise près de la jeune mère. Elle feignait de vouloir attraper un gros garçon de quatre ans, ventru, qui courait autour d’elle avec des éclats de rire. Et l’enfant, en chemise, courait en répétant entre ses éclats de rire : « M’attraperas pas ? »

Cette vieille avait été condamnée, en même temps que son fils, pour tentative d’incendie. Elle s’était résignée à son sort, mais elle ne cessait de gémir sur son fils, emprisonné également, et surtout sur son vieux mari, car elle craignait, sa belle-fille s’étant en allée, que le vieux n’eût personne pour laver son linge et qu’il ne fut infesté de poux.

Outre ces sept femmes, quatre autres, debout devant une fenêtre ouverte, se tenant aux barreaux de fer, causaient avec des prisonniers qui passaient dans la cour, ceux-là même que Maslova avait rencontrés dans le vestibule. L’une de ces femmes, qui purgeait sa peine pour vol, était une grande rousse, au corps flasque, avec des taches de rousseur plein son visage jaune. D’une voix de harengère, elle lançait, par la fenêtre, quantité de mots orduriers. Près d’elle se tenait une petite femme brune, à qui sa longue taille et ses jambes courtes donnaient l’air d’avoir dix ans. Son visage