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Tandis qu’il se disait cela, des larmes mouillaient ses yeux ; c’étaient des larmes bonnes et mauvaises : bonnes, en tant que larmes de bonheur, nées du réveil de l’être moral endormi en lui depuis des années ; mauvaises, parce que larmes d’attendrissement sur lui-même et sur sa vertu.

Il étouffait. Il s’avança, ouvrit la fenêtre qui donnait sur le jardin. La nuit était calme, fraîche, blanche de lune. Au loin résonna un bruit de roues, puis tout redevint silencieux. Sur le sable de l’allée et sur le gazon, sous la fenêtre, se profilait l’ombre d’un grand peuplier dénudé. À gauche, sous les rayons clairs de la lune, le toit de la remise semblait tout blanc ; dans le fond, s’enchevêtraient les branches des arbres, que coupait l’ombre de la haie. Nekhludov contemplait le jardin, plein d’une douce lumière argentée, et le toit de la remise, et l’ombre du peuplier ; il écoutait et il aspirait le souffle vivifiant de l’air.

« Comme il fait beau, comme il fait beau, mon Dieu, comme il fait beau ! » se disait-il de ce qui se passait dans son âme.