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longtemps. Le deuxième réveil avait eu lieu après qu’il eut renoncé à sa situation de fonctionnaire et, rêvant de sacrifier sa vie, était entré au service militaire, pendant la guerre. Cette fois la rechute était venue très vite. Un nouveau réveil avait eu lieu quand il avait donné sa démission et qu’il était parti à l’étranger pour s’adonner à la peinture.

Depuis lors, et jusqu’à ce jour, une longue période s’était écoulée sans nettoyage d’âme, aussi n’était-il jamais arrivé à un tel degré de souillure, à un tel désaccord entre ce qu’exigeait sa conscience et la vie qu’il menait, et, s’en rendant compte, il en fut effrayé.

L’abîme était si grand, la souillure si forte, qu’au premier moment il désespéra de pouvoir s’en laver. « Plus d’une fois déjà tu as essayé de te corriger, de devenir meilleur, et tu as échoué, lui disait une voix tentatrice ; est-ce la peine de recommencer une fois encore ? Tu n’es pas seul dans ce cas, c’est la vie de tous ». Mais l’être libre, l’être moral, le seul véritable, le seul puissant, le seul éternel, cet être, dès ce moment, s’était éveillé en Nekhludov. Il ne pouvait ne pas croire en lui. Si grande que fût la distance entre ce qu’il était et ce qu’il eût voulu devenir, cet être intérieur affirmait que tout lui était encore possible.

« Quoiqu’il m’en puisse coûter, je romprai les liens du mensonge dans lequel je me vautre, et