Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui-même l’injustice de la propriété foncière, et celui de posséder l’héritage de sa mère, indispensable pour son existence ? Comment effacer son péché envers Katucha ? Et pourtant les choses ne pouvaient rester ainsi. « Je ne puis abandonner une femme, autrefois aimée, en me contentant de payer un avocat pour l’arracher au bagne qu’elle n’a pas mérité ; — me laver de ma faute avec de l’argent, ce que je croyais suffisant. »

Il revit la minute où l’ayant rejointe dans le corridor il lui avait glissé l’argent et s’était enfui. « Ah, cet argent » — se dit-il éprouvant l’horreur et le dégoût ressentis jadis. — « Ah ! ah ! quel dégoût ! » prononca-t-il à haute voix, comme alors. « Seul un misérable, un vaurien pouvait agir ainsi ! Et moi, je suis ce vaurien, ce misérable ! Mais, suis-je en effet ce vaurien ? Mais qui donc, sinon moi », se répondit-il, et continuant à se dénoncer soi-même : — « Et ce n’est pas tout : n’est-ce pas de la bassesse que tes relations avec Marie Vassilievna, avec son mari ? Et ton attitude en ce qui concerne tes biens ? Sous prétexte que l’argent vient de ta mère, ne jouis-tu pas de la richesse que tu considères comme illégitime ? Et toute ta vie oisive, malpropre ? Et, pour couronner le tout, — ta conduite à l’égard de Katucha. Misérable, tu l’es ! Les hommes peuvent me juger comme ils veulent, je puis les tromper, mais non me tromper moi-même ».