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gnance, il se souvint de ses jolies épaules et de ses beaux bras. Et ce père grossier et sensuel, avec son passé de cruauté et cette mère bel esprit, de réputation suspecte. Tout cela était à la fois répugnant et honteux. Honte et dégoût, dégoût et honte.

« Non, non, — songea-t-il, — il faut se délivrer, rompre toutes ces relations mensongères avec les Kortchaguine, avec Marie Vassilievna, avec l’héritage, avec tout le reste… Oui, respirer en paix. Aller à l’étranger, à Rome, travailler à mon tableau. »

Il se rappela ses propres doutes sur son talent… « Bah ! qu’est-ce que cela fait, pourvu que je respire en liberté ? J’irai à Constantinople, ensuite à Rome ; je partirai dès la clôture de la cour d’assises. Dès que j’aurai réglé cette affaire avec l’avocat. »

Et tout à coup, dans son imagination, parut avec une vivacité extraordinaire, la prisonnière, aux yeux noirs loucheurs. Ah ! comme elle avait pleuré aux derniers mots qu’elle avait criés ! D’un geste brusque il jeta dans le cendrier la cigarette qu’il venait de terminer, en alluma une autre et se mit à arpenter la pièce. Et, par la pensée, il revit l’une après l’autre les minutes passées avec elle, leur dernier rendez-vous, cette passion bestiale qu’il ressentait alors pour elle, sa désillusion une fois celle-ci assouvie. Il revit la robe blanche,