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À côté de Sophie Vassilievna, sur un fauteuil moelleux et bas, était assis Kolossov, agitant son café. Sur le guéridon était posé un petit verre de liqueur.

Missy entra chez sa mère avec Nekhludov, mais ne resta pas dans la chambre.

— Quand maman sera fatiguée et vous congédiera, vous viendrez me rejoindre, — dit-elle à Kolossov et à Nekhludov, de son ton ordinaire, comme si rien d’anormal ne se fût passé entre elle et ce dernier ; et elle sortit de la chambre en souriant et d’un pas qui glissait sur le tapis moelleux.

— Eh ! bonjour, mon ami, asseyez-vous et racontez, — dit la princesse Sophie Vassilievna, avec son sourire apprêté et qui semblait naturel, de sa bouche ornée de longues et belles dents aussi parfaitement imitées. — On me dit que vous êtes revenu de la cour d’assises de fort méchante humeur. Je pense que c’est très pénible pour des hommes de cœur, dit-elle en français.

— Oui, c’est vrai, — fit Nekhludov. — On y sent bien souvent sa… on sent qu’on n’a pas soi-même le droit de juger…

Comme c’est vrai, — dit la princesse, semblant frappée de la justesse de cette réflexion ; car elle possédait l’art de flatter toujours ses interlocuteurs. — Eh bien ! où en est votre tableau ? — reprit-elle, — il m’intéresse énormément. Si je