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Maslova n’avait ni volé ni dépouillé, et que, pourtant, sans motif aucun, elle avait empoisonné un homme.

— Voyez donc l’ineptie qu’ils ont rapportée, — dit le président à son assesseur de gauche. — Ce sont les travaux forcés, et cependant elle n’est pas coupable.

— Et pourquoi serait-elle innocente ? — fit le juge sévère.

— Mais cela saute aux yeux ! Il y a lieu, je crois, d’appliquer l’article 817. (L’article 817 établit que le tribunal a le droit de modifier la décision du jury, s’il la juge mal fondée.)

— Qu’en pensez-vous ? — demanda le président au juge bienveillant.

Celui-ci ne répondit pas immédiatement ; il regarda le numéro du papier qui était devant lui, additionna les chiffres et vit qu’ils n’étaient pas divisibles par trois. Il s’était dit que si le total était divisible, il donnerait son consentement ; cependant bien que cela ne fût pas, il se décida, par bonté, à acquiescer quand même.

— Je crois aussi qu’il le faudrait, — répondit-il.

— Et vous ? — demanda le président au juge bourru.

— Non jamais, — répondit celui-ci d’un ton résolu, — les journaux parlent déjà assez de ce que les jurés acquittent les coupables ; que dira-t-on