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Sur la quatrième question, celle d’avoir dérobé l’argent, on déclara Botchkova : « Oui, coupable », mais, à la demande du vieil employé, on ajouta : « Mais avec circonstances atténuantes. »

La question concernant Maslova provoqua un débat très vif. Le chef du jury insistait sur sa culpabilité, tant en ce qui concernait l’empoisonnement que le vol ; le marchand soutenait le contraire ; le colonel, le commis et le vieil employé étaient de cet avis ; les autres jurés hésitaient, mais l’opinion de leur chef l’emportait, principalement parce que tous étaient fatigués et préféraient l’opinion qui mettrait plus vite tout le monde d’accord et libérerait les jurés.

D’après les interrogatoires et ce qu’il savait de Maslova, Nekhludov avait la conviction qu’elle n’était coupable ni du vol ni de l’empoisonnement, et il avait pensé d’abord que ce serait l’avis de tous ; mais, quand il s’aperçut que, grâce à la défense maladroite du marchand, basée évidemment sur ce fait, qu’il ne cachait pas, que Maslova lui plaisait ; grâce à la résistance qu’opposait, précisément à cause de cela, le chef du jury, et principalement à cause de la fatigue générale, la décision penchait vers l’accusation, il voulut prendre la parole ; mais il fut saisi de peur à la pensée d’intercéder en faveur de Maslova, — comme si tout le monde eût pu deviner ses relations avec elle. Il se disait cependant que les choses ne pouvaient se passer ainsi et que son