Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plus ou de moins n’avaient guère d’importance pour lui.

Schenbok ne resta qu’une journée, et la nuit suivante repartit avec Nekhludov. Ils ne pouvaient prolonger leur séjour, car ils étaient parvenus à la limite extrême du délai qui leur était accordé pour rejoindre leur régiment.

Durant cette dernière journée passée chez ses tantes, l’âme de Nekhludov ne pouvait se détacher du souvenir de la nuit précédente ; deux sentiments opposés s’y livraient combat : l’un, le souvenir brûlant d’un amour bestial qui, bien que n’ayant pas donné tout ce qu’il promettait, laissait cependant une certaine satisfaction du désir réalisé ; l’autre, la conscience d’avoir commis un acte mauvais, qui devait être réparé, et non point pour elle, mais pour lui.

Car dans l’état de folie égoïste où il se trouvait, Nekhuldov ne pouvait penser qu’à soi ; il s’inquiétait de la façon dont on pourrait envisager sa conduite envers la jeune fille, et il ne songeait nullement à ce que celle-ci pourrait ressentir ni à ce qu’il adviendrait d’elle.

Il croyait bien que Schenbok avait deviné ses relations avec Katucha, et cela flattait son amour-propre.

— Voilà donc la cause de ton affection subite pour tes tantes, lui dit Schenbok, dès qu’il eut aperçu Katucha, et c’est pourquoi tu restes ici une