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voir, elle le reconnut. Jamais encore il ne lui avait vu un air aussi grave. Elle ne sourit même qu’après qu’il lui eût souri, et, par soumission, car dans son âme il n’y avait point de sourire mais de la crainte. De la main il lui fit signe de venir le rejoindre dans la cour. Elle secoua négativement la tête faisant signe qu’elle ne sortirait pas et resta près de la fenêtre. Il colla encore son visage à la vitre, prêt à lui crier de sortir, mais, au même moment, elle se retourna vers la porte, quelqu’un l’avait sans doute appelée. Nekhludov s’éloigna de la fenêtre. Le brouillard était si épais qu’à cinq pas de la maison on ne distinguait plus les fenêtres, mais seulement une grande masse sombre, trouée par la lueur rouge, qui paraissait énorme, d’une lampe. Sur la rivière toujours le même ronflement, le même frottement, le même craquement, le même tintement de la glace. Non loin, à travers le brouillard, dans la cour, un coq chanta, d’autres répondirent ; et plus loin, dans la campagne, d’autres lancèrent leurs appels alternés, fondus bientôt en un même grand bruit. Tout était calme alentour, excepté la rivière. C’était déjà le chant des coqs annonçant l’aube.

Ayant fait quelques pas de long en large devant la maison et s’étant plusieurs fois mouillé les pieds dans les flaques d’eau, Nekhludov s’approcha de nouveau de la fenêtre de l’office. À la lueur de la lampe, il revit Katucha assise près de la table,