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dégel, par une pluie torrentielle, si bien qu’en approchant de la maison il était transi et mouillé jusqu’aux os mais dispos et très entrain, comme il en était coutumier à cette période de sa vie. « Pourvu qu’elle soit encore là ! » — songeait-il, en entrant dans la cour toute pleine de neige fondue et en apercevant la vieille demeure et le mur de briques de l’enclos, qu’il connaissait si bien. Il s’attendait à la voir accourir sur le perron, aussitôt le coup de sonnette ; mais au lieu d’elle apparurent deux femmes, pieds nus et jupes retroussées, portant des seaux, et occupées, évidemment, à laver les planchers. Elle n’était pas non plus sur le grand perron, seul se montra Tikhone, le valet, lui aussi en tablier et qui était probablement aussi occupé au nettoyage. Dans l’antichambre il fut reçu par Sophie Ivanovna, en robe de soie et en bonnet.

— Comme tu es gentil d’être venu ! — s’écria Sophie Ivanovna en l’embrassant. — Marie est un peu souffrante, ce matin elle s’est fatiguée à l’église. Nous nous sommes confessées.

— Tante Sonia, je vous félicite, — dit Nekhludov en lui baisant la main. — Excusez-moi, je vous ai mouillée.

— Va dans ta chambre. Tu es tout trempé. Et voilà que tu as déjà des moustaches… Katucha ! Katucha ! Qu’on lui prépare vite du café.

— Tout de suite ! — répondit du corridor une voix si agréablement connue. Et le cœur de