Katucha, mais comme aiment les êtres innocents, et son amour était la principale sauvegarde contre une chute de l’un et de l’autre. Non seulement il n’avait pas le désir de la posséder physiquement, mais une sorte de terreur l’envahissait à la pensée que cela fût possible. L’autre tante, la poétique Sophie Ivanovna, avait une crainte différente : connaissant le caractère entier et résolu de Dmitri, elle avait peur qu’il n’eût la pensée d’épouser la jeune fille malgré son origine et sa condition, et cette crainte était beaucoup plus fondée. Si Nekhludov avait eu conscience de son amour pour Katucha et surtout si l’on avait cherché à le convaincre de l’impossibilité pour lui d’unir sa destinée à celle de la jeune fille, il eut probablement décidé, avec sa franchise habituelle, que rien n’empêcherait son mariage avec quelque jeune fille que ce fût, dès l’instant qu’il l’aimait. Mais les tantes ne lui firent point part de leurs craintes, et il partit sans avoir conscience de son amour pour Katucha.
Il était convaincu que le sentiment qu’il éprouvait pour Katucha était une des manifestations de la joie de vivre qui emplissait alors tout son être et que partageait cette charmante et joyeuse jeune fille. Quand, le jour de son départ, il la vit debout sur le perron, à côté de ses tantes, quand il vit les grands yeux noirs, tout pleins de larmes, un peu loucheurs, fixés sur lui, il eut cependant l’impression que ce jour-là il abandonnait quelque chose de