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mais elle s’en acquittait très vivement et, dans ses moments de loisir, lisait ; Nekhludov lui prêta des œuvres de Dostoievski et de Tourguenev, que lui-même venait de lire. L’Accalmie de Tourguenev lui plaisait le plus.

Leurs conversations avaient lieu à la dérobée, dans le corridor, sur le balcon, dans la cour, et parfois chez la vieille femme de chambre des tantes, Matréna Pavlovna, dans l’appartement de laquelle logeait Katucha et où Nekhludov venait quelquefois prendre le thé à prikouskou[1]. Et ces conversations en présence de Matrena Pavlovna étaient les plus agréables. Quand ils demeuraient seuls, leurs entretiens en souffraient. Aussitôt leurs yeux se mettaient à dire d’autres choses, beaucoup plus importantes, que celles que prononçaient leurs lèvres ; alors leurs bouches se taisaient, ils se sentaient gênés, et se quittaient aussitôt.

Tout le temps de son premier séjour chez ses tantes, les relations demeurèrent telles entre Nekhludov et Katucha. Ses tantes s’en aperçurent ; elles s’en inquiétèrent et même en informèrent à l’étranger, par lettre, la princesse Hélène Ivanovna, mère de Nekhludov. La tante Maria Ivanovna redoutait une liaison entre Dmitri et Katucha. Crainte vaine : Nekhludov, sans s’en douter, aimait

  1. En mordillant le sucre au lieu de le faire dissoudre dans le thé.