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Le vieux regarda la fenêtre et s’arrêta.

— Bonjour, brave homme — fit-il en soulevant de sa tête rasée court, un petit bonnet.

— Bonjour, brave homme — répondit Olénine. — Qu’est-ce donc que les gamins te crient ?

L’oncle Erochka s’approcha de la fenêtre.

— Ils m’agacent, moi, un vieux. Ça ne fait rien. J’aime cela. Qu’ils s’amusent de l’oncle — dit-il, avec ces intonations fermes et chantantes qu’ont en parlant les hommes vieux, respectables. — Toi, tu es le chef des soldats ?

— Non, je suis junker. Et où as-tu tué ces faisans ? — demanda Olénine.

— Ah ! j’ai tué ces trois poules dans la forêt — répondit le vieillard en tournant vers la fenêtre son large dos, où, attachées par la tête à la ceinture et tachant de sang le cafetan, pendaient trois faisanes. — N’en as-tu jamais vu ? Si tu veux prends-en deux pour toi. Tiens ! — Et par la fenêtre il lui tendit deux faisans. — Et toi, es-tu chasseur ?

— Oui, je chasse. Pendant la campagne j’en ai moi-même tué quatre.

— Quatre ? C’est beaucoup ! — dit, un peu railleur, le vieillard. — Et tu es un buveur ? Bois-tu du vin ?

— Pourquoi pas ? J’aime un peu boire.

— Ah ! je vois que tu es un brave garçon ! Nous serons des Kounaks[1].

  1. Kounak, ami intime, qui doit hospitalité et protection. (Note du Traducteur.)