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rarement interrompus, tantôt par un coup de fusil tiré au loin, tantôt par un bruit de pierre tombant dans l’eau, tantôt par le clapotement d’un gros poisson, tantôt par le craquement d’un animal dans l’épaisse forêt sauvage. Une fois un hibou voleta le long du Terek en frottant ses ailes l’une contre l’autre à chaque double battement d’ailes. Juste au-dessus des Cosaques, il se dirigea vers la forêt, et en s’approchant d’un arbre il frotta ses ailes plus fréquemment, et l’on entendit encore longtemps le bruit qu’il fit en s’installant sur un vieux platane. À chacun de ces bruits inattendus, l’ouïe du Cosaque attentif se tendait fortement, il clignait des yeux et tâtait soigneusement son fusil.

La nuit s’avançait. Le nuage noir, en s’éloignant vers l’ouest, laissa apercevoir à travers ses bords déchiquetés, le ciel pur, étoilé, et au-dessus de la montagne les cornes dorées de la lune s’éclairèrent d’une lueur rouge. Il commençait à faire froid. Nazarka s’éveilla, parla et se rendormit. Loukachka s’ennuyait ; il se leva, tira un petit couteau attaché au-dessous de son poignard et se mit à tailler une petite branche pour faire une baguette.

Maintes idées lui venaient en tête : comment là-bas, dans les montagnes, vivent les Tchetchenzes, comment ils viennent par ici, sans avoir peur des Cosaques, comment ils peuvent franchir