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heures avant, et où tombaient maintenant les rayons obliques et brûlants du soleil.

Loukachka, qui était au poste d’observation, était un grand et beau garçon de vingt ans, ressemblant beaucoup à sa mère. Son visage et toute sa personne, malgré la gaucherie de la jeunesse, exprimaient une grande force physique et morale. Bien que nouvellement entré au service, à l’expression calme de son visage et à l’assurance de sa pose on voyait qu’il avait déjà acquis l’aspect martial et un peu fier, particulier aux Cosaques et en général à tous les hommes qui portent toujours des armes, et qu’il appréciait sa propre valeur. Ses vêtements, amples, étaient déchirés par endroits, son bonnet rejeté en arrière, à la Tchetchenze, ses hautes bottes baissées au-dessous des genoux. Ses effets n’étaient pas riches, mais lui donnaient cette élégance particulière des Cosaques, imitateurs des Djiguites, des Tchetchenzes. Un vrai Djiguite a toujours des habits amples, négligés, déchirés, les armes seules sont riches ; mais ces vêtements déchirés et ces armes sont arrangés d’une façon particulière, qui frappe tout de suite, chez un Cosaque ou un montagnard. Loukachka avait cet air de Djiguite.

Appuyé sur son épée, en clignant des yeux, il regardait fixement l’aoul lointain. Pris séparément, les traits de son visage n’étaient pas beaux, mais en regardant l’ensemble de son corps élégant,