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ser le Terek, et qu’ainsi il fallait redoubler de prudence, au cordon on ne prenait point de précautions particulières. Les Cosaques, comme dans leurs villages, n’avaient point sellé leurs chevaux, n’étaient point armés et s’occupaient de pêche, de chasse, ou buvaient. Seul le cheval du Cosaque de service était sellé et broutait à la lisière du bois, et les sentinelles seules étaient habillées et avaient une épée et un fusil. L’ouriadnik[1], grand, maigre, au buste très long, aux jambes et aux bras courts, en bechmet déboutonné, était assis sur le seuil de la cabane ; il avait l’expression paresseuse d’un chef, et d’ennui fermait les yeux et balançait sa tête d’une main sur l’autre. Un Cosaque âgé, à la large barbe noire grisonnante, vêtu d’une simple chemise serrée par une courroie noire, était couché près du fleuve même et nonchalamment regardait le Terek monotone, bouillonnant et trouble. D’autres, fatigués aussi par la chaleur, à demi-vêtus, lavaient du linge dans le Terek ; d’autres se faisaient des lignes, d’autres étaient allongés sur le sable chaud de la rive et fredonnaient.

Un des Cosaques, au visage maigre et basané, évidemment ivre-mort, était couché sur le dos près du mur de la cabane, dans l’ombre deux

  1. Ouriadnik, chef du détachement des Cosaques, ayant le grade de sous-officier.